A Summer for Me — Le silence d'un été à Fontainebleau
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A Summer for Me — Le silence d'un été à Fontainebleau

20 août 2025
7 min de lecture
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Entre perte de sens et renaissance, le photographe Arthur Monteil raconte "A Summer for Me" : une série photo née dans le silence de la forêt de Fontainebleau, à l'été 2025.

Quand l’été se fissure

Tout allait bien, du moins en apparence.

J’avais un plan, une idée claire : participer au challenge estival lancé sur Shootiful, autour du thème « Un été pour moi ». Mon projet devait célébrer ces étés d’adolescence où tout semblait possible — les rencontres, la légèreté, la lumière d’août sur la peau. L’innocence, en somme.

Mais cette fois, l’été ne s’est pas déroulé comme prévu. Quelque chose s’est fendu.

Un matin, sans signe avant-coureur, l’envie s’est éteinte. La photo, ma passion, celle qui m’a toujours permis d’exister, ne m’appelait plus. J’étais vidé, sans but. Comme si le silence intérieur avait tout avalé. Mon projet initial me paraissait soudain vain. Trop construit, trop “beau” pour ce que je vivais. Alors j’ai décidé de tout recommencer, mais différemment : en racontant non pas ce que j’avais prévu, mais ce que je vivais réellement. Un été gris, lent, où chaque pas semblait peser. Un été à la recherche d’un souffle.

Je n’avais plus envie de créer — mais j’avais besoin de comprendre pourquoi.

La forêt comme miroir

Fontainebleau, une solitude habitée

J’ai choisi la forêt de Fontainebleau presque instinctivement.

Sur Google Maps, j’ai repéré deux zones, deux clairs-obscurs de verdure entre les chaos rocheux. J’y suis allé un après-midi, seul. Quinze heures. Un ciel laiteux, lourd, sans promesse. Pas de musique, pas d’échappatoire. Juste moi, mon appareil, et la lumière.

Les premières heures, j’étais concentré, presque euphorique. Puis, la fatigue a repris le dessus. Le vide est revenu, brutal, implacable. Je me suis senti seul face à moi-même, face à cette forêt immense et au gris que je portais. Il y a eu un moment — fugace mais réel — où j’aurais pu rester là, m’éteindre doucement parmi les pins. Mais j’ai continué. J’ai photographié. Moins que prévu, mais avec une sincérité que je n’avais pas eue depuis longtemps. Et finalement, après avoir changer de spot et trouvé un joli point de vue, les choses se sont améliorés Je me suis allongé sur une pierre chauffée par la lumière. Le monde, pour quelques minutes, a retrouvé ses couleurs. C’était insignifiant, et pourtant immense.

Une forêt ancienne, témoin des renaissances

La forêt de Fontainebleau a toujours été un refuge pour ceux qui cherchent à se retrouver. Depuis le XIXᵉ siècle, des peintres comme Corot, Millet ou Théodore Rousseau y venaient chercher la vérité des paysages, loin des académies. On y a même créé en 1861 la première « réserve artistique » au monde, pour préserver la nature au nom de la beauté. Marcher dans ces sentiers, c’est donc marcher sur les traces de ceux qui, avant moi, ont voulu se taire pour mieux voir. Sous les roches de grès, des gravures préhistoriques racontent d’autres quêtes, plus anciennes encore. Des formes tracées dans la pénombre il y a plusieurs millénaires, pour dire quelque chose de l’humain. Cette pensée m’a accompagné tout du long : nous traversons tous des forêts, et certaines, même silencieuses, nous répondent.


L’image comme trace du réel

Ce jour-là, j’ai compris que photographier n’était plus un acte de performance, mais de présence. Je ne cherchais plus la belle image. Je cherchais à respirer. À sentir la chaleur d’une pierre, la texture de la mousse, l’air sur ma peau. C’est là, dans ces détails, que la photo redevenait essentielle — non pas comme un métier, mais comme un lien à ce qui est vrai.

Dans un monde saturé d’images lisses et d’IA génératives, revenir à la matière brute, à la lumière réelle, c’est un geste presque subversif. La photographie devient alors une résistance douce : contre la vitesse, contre la perfection, contre le mensonge du toujours-plus. Chaque cliché de A Summer for Me est sincère. Il témoigne d’un moment où j’ai choisi de continuer, d’un instant où l’humain a repris le dessus sur la peur.

Ce que j’ai retrouvé

Les jours suivants, je n’ai pas immédiatement retrouvé la joie. Mais quelque chose s’est déplacé. Grâce à ma compagne, à ma famille, à mon meilleur ami, et à Yohan Terraza — qui, sans le savoir, m’a aidé à me remettre en mouvement avec ce concours — j’ai recommencé à créer, à respirer, à rêver. Je crois que la photographie, quand elle est honnête, ne montre pas seulement le monde : elle nous aide à nous y replacer.

“A Summer for Me” n’est donc pas une série sur l’été. C’est un autoportrait sans visage, un moment suspendu entre perte et redécouverte, entre gris et lumière. Une trace de ce que signifie, peut-être, ne pas fuir.

Conclusion, l’importance d’une image vraie

Aujourd’hui, je regarde ces images différemment. Elles ne sont pas parfaites, mais elles sont vivantes. Elles me rappellent que créer, c’est avant tout s’autoriser à ressentir. Qu’il faut parfois descendre dans ses bois intérieurs pour retrouver la lumière. La photographie, au fond, n’est pas une question d’objectifs ou de technique. C’est un acte de survie poétique. Et si ce projet peut rappeler à quelqu’un qu’il n’est pas seul dans sa traversée, alors A Summer for Me aura servi à quelque chose de plus grand que moi.

Arthur Monteil - Photographe professionnel autoportrait

Arthur Monteil

Photographe professionnel